Une étude de l’équipe du prix Nobel de médecine Stanley B. Prusiner indique que les protéines intervenant dans la maladie d’Alzheimer agiraient comme des prions qui infectent les tissus cérébraux.
Les protéines bêta-amyloïde et tau sont depuis longtemps suspectées pour leur rôle dans la maladie d’Alzheimer. Publiée dans Translational medicine, une étude récente de l’Institut des maladies neurodégénératives de l’université de Californie, dirigée par le neurologue Stanley B. Prusiner (prix Nobel de médecine 1997), établit que ces deux protéines agissent comme des prions*, agents pathogènes qui se propagent comme une infection. Utilisant de nouveaux tests de laboratoire, son équipe a pu détecter et mesurer des prions de type bêta-amyloïde et tau dans 75 cerveaux de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, post mortem.
Des caractéristiques communes à plusieurs maladies à prions
Les maladies neurodégénératives auraient pour origine l’accumulation dans le cerveau de protéines anormales, mal repliées et toxiques pour les neurones. Depuis les années 1980, on sait que la protéine composant ces plaques caractéristiques de la maladie est la bêta-amyloïde et celle formant les enchevêtrements la protéine tau. À la même époque, le premier prion (PrP) avait été identifié comme étant la cause de la maladie de Creutzfeld-Jacob, version humaine de l’encéphalopathie spongiforme bovine, maladie dite « de la vache folle ».
L’équipe de Stanley B. Prusiner a voulu aller plus loin et savoir si différentes formes de prions étaient à l’origine d’autres maladies neurodégénératives. En 2012, elle a déjà révélé chez la souris que la protéine bêta-amyloïde peut se propager à travers le tissu cérébral.
Deux tests confirment aujourd’hui la présence du double prion. Les chercheurs ont passé au crible des échantillons de cerveaux de 100 patients décédés de la maladie d’Alzheimer et autres troubles neurodégénératifs. L’activité prion de la bêta-amyloïde et de tau était élevée dans 75 cerveaux “Alzheimer”. Alors que dans 11 échantillons de malades d’une autre maladie (angiopathie cérébrale amyloïde) seuls des prions bêta-amyloïdes ont été détectés. Et chez des malades ayant souffert d’une dégénérescence fronto-temporale, seuls les prions tau sont apparus. Alzheimer serait donc une maladie à double prion dans laquelle ces deux mauvaises protéines se combinent pour détruire le cerveau.
Ces résultats devraient aider d’abord au diagnostic de la maladie, l’activité des prions informant mieux sur la gravité de la maladie et la longévité du patient que les mesures traditionnelles. À condition de pouvoir repérer ces prions dans le sang ou le liquide céphalo-rachidien des malades.
Si actuellement on ne sait pas éliminer ces prions, ces résultats contribuent à mieux cibler la maladie, sachant que les prions liés à la maladie d’Alzheimer, aurait un mécanisme de propagation plus lent. Les scientifiques comptent désormais étendre leur recherche à une plus large échelle de cas.
Alzheimer, Parkinson, scléroses amyotrophiques… : même combat?
En France, des équipes de chercheurs étudient des pistes semblables. Celle de Stéphane Haïk et Marie-Claude Potier à l’ICM (Institut du cerveau et de la moelle épinière) analyse la maladie d’Alzheimer et les maladies à prions, qui ont des analogies biologiques communes. Elle s’intéresse, entre autres, aux mécanismes moléculaires impliqués dans la propagation des prions, notamment comment ces protéines deviennent toxiques, se propagent et entrainent la mort des neurones. L’idée est de modéliser ces mécanismes avant de pouvoir recruter les bons patients pour des essais cliniques en vue de trouver des traitements efficaces.
* Terminologie : « prion » est la contraction du terme « proteinaceous infectious particule ».
Sources : www.sciencesetavenir.fr, www.icm-institute.org